(1) : VACANCES
RISQUÉES
Le Matin 13 Août 2016 - Cléa
Favre
ISABELLE CHEVALLEY SUR LES TRACES DE L’URANIUM
Isabelle Chevalley a pris elle-même ces deux photos de
la mine d’uranium. Elle a profité de son voyage pour récolter du matériel en
vue de la campagne pour sortir du nucléaire.
Le
Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) déconseille aux voyageurs de
se rendre au Niger. Il met en garde contre des risques d’enlèvement très élevés
sur tout le territoire. Cependant, cet avertissement n’a pas refroidi la
conseillère nationale Isabelle Chevalley (Vert’libéraux/ VD). Celle-ci s’est
envolée pour Niamey dimanche dernier. Au programme de ce voyage entrepris à
titre privé et entièrement financé par la parlementaire: la visite de la mine
d’uranium d’Arlit, au nord du pays. Le site, exploité depuis plus de quarante
ans par Somaïr (filiale détenue par l’entreprise française Areva et l’Etat
nigérien), a déjà fait l’objet d’une attaque terroriste en mai 2013. Trois ans
avant cet attentat suicide, sept salariés avaient été enlevés dans la ville par
Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Une escorte
de 30 personnes
Depuis le
Niger, Isabelle Chevalley explique ne pas avoir pris de «risques inconsidérés».
«Je ne suis pas partie la fleur au fusil. Pour parcourir les 230 kilomètres qui
séparent Agadez d’Arlit, j’avais une escorte composée de trente personnes
réparties dans trois véhicules équipés de canon.» At-elle eu peur? «Non, car ce
sont des amis touaregs qui ont organisé le déplacement et s’il y avait eu le
moindre risque, ils ne m’auraient pas fait venir. La Coopération suisse m’a
également donné des indications. J’ai pris les précautions qu’il fallait»,
détaille-t-elle.
La
Coopération suisse qui aide une ressortissante alors que le DFAE déconseille de
se rendre dans la région? Philippe Fayet, directeur du bureau du Niger, dit
avoir attiré l’attention d’Isabelle Chevalley sur le contenu des «Conseils aux
voyageurs». «La conseillère nationale se rendant à Agadez à l’invitation des
autorités coutumières locales, nous lui avons précisé que dans ce cadre elle
pourrait bénéficier des mesures de protection des services de sécurités
nigériens, dont les frais occasionnés devaient être couverts par ses soins.
Tenant compte de sa fonction de parlementaire, nous avons informé le Ministère
des affaires étrangères de sa présence envisagée au Niger.» Selon lui, son rôle
s’est limité à s’assurer qu’elle était officiellement
accueillie
par les autorités et que sa sécurité faisait l’objet de mesures identiques à celles
qui sont appliquées aux collaborateurs du Bureau de coopération suisse. «Ces
éléments étant confirmés, il appartenait à Mme Chevalley de prendre sa
décision.»
«Je suis une
scientifique»
Pourquoi
voulait-elle entreprendre ce déplacement? Pour voir par elle-même «ce que l’on
met dans nos centrales, ainsi que les impacts sanitaires et environnementaux».
«Je suis une scientifique. J’ai besoin d’informer les gens en Suisse qui n’ont
pas les moyens ou l’envie de faire un tel voyage. J’estime aussi que c’est le
rôle du parlementaire que de vérifier ce qu’on lui dit sur le terrain, avec des
témoignages directs.»
Alors
qu’a-t-elle vu au Niger, quatrième producteur mondial d’uranium, avec 7,5% de
l’extrac- tion? La Vaudoise parle à Arlit d’un gigantesque trou, jouxtant des
bassins d’acide sulfurique. Le tout à ciel ouvert. «Le forage provoque des
nuages de poussière qui se déplacent dans l’air. D’autant plus qu’il y avait
une tempête de sable lorsque j’y étais.» Un rapport de Greenpeace datant de
2010 dénonce également des montagnes de boue et de déchets industriels qui se
forment autour des mines. «La surexploitation assèche par ailleurs les nappes
phréatiques», stipule encore la parlementaire. Celle-ci s’émeut du fait que la
population récupère des matériaux radioactifs pour construire ses maisons. «La
ferraille contaminée est également utilisée pour fabriquer des casseroles ou
des cadres de fenêtres en métal. Ces biens partent ensuite dans tout le Niger»,
déplore Isabelle Chevalley. «La radioactivité ne se voit pas, ne se sent pas.
Pourtant, elle a bien des conséquences sur la santé.»
A ses yeux,
ce qu’elle a pu constater sur le terrain montre à quel point le nucléaire ne
constitue en aucun cas une énergie propre. «Ni à la fin, avec le problème des
déchets radioactifs que l’on connaît. Ni au début, au stade de l’extraction qui
est responsable de graves pollutions.» Elle s’indigne du fait que la Suisse
s’approprie les bénéfices de ce processus, tout en en délocalisant les impacts.
«On profite du nucléaire qui est fait ailleurs, alors que le Niger, lui, n’a
aucune centrale. C’est totalement irresponsable.» La parlementaire a donc
récolté du matériel pour alimenter la campagne concernant la sortie du
nucléaire. «Tant que nos centrales tournent, nous sommes complices. On doit
voter en connaissance de cause. Les Suisses ne pourront pas dire qu’ils ne
savaient pas», assène-t-elle.
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